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Lettre de Baptiste. (2)

« Médor…Vèno aïssi ! » « Vaï lo quèré… Vaï lo quèré !... Piquo lo.. Piquo lo ! » (Médor... Viens ici ! Va la chercher, va la chercher… pince la !). Heureusement qu’il est avec moi ce matin ce brave chien de garde, certes, il a été dressé tant bien que mal comme chien de troupeau mais c’est une bonne compagnie et en plus il est quand même efficace. Il ne demande qu’à travailler, le problème si l’on peut dire c’est qu’il en fait trop.
Quand on lui commande d’aller ramener une vache qui s’écarte, il prend beaucoup de plaisir. L’opération est délicate car ce sont deux animaux qui n’obéissent pas toujours instantanément (sauf certaines bêtes de concours qui sont vraiment des modèles d’exécution). Ici, la vache prise en faute, lorsqu’elle entend le commandement donné au chien et de plus voit le chien arriver à fond vers elle, comprend illico qu’il faut revenir au bon endroit mais lui, Médor, ne l’entend pas de cette oreille, il n’a rien à faire qu’elle obtempère par anticipation, il veut sa récompense, et pour lui la récompense c’est de lui mordre légèrement les jarrets afin de bien lui faire comprendre qui est le chef.
De temps en temps je suis content qu’il inflige la punition à quelques-unes car à l’inverse, lorsqu’il n’est pas là le brave Médor, elles en profitent les garces. Et je peux crier « Vaï lo quèré… ! » ça marche bien une fois ou deux, mais elles repèrent vite l’absence du chien et n’obéissent plus à mon commandement factice. Alors de temps en temps une petite piqûre de rappel bien appuyée, ça leur remet les idées dans l’ordre si tant est qu’elles puissent les stocker les idées. Je ne sais pas moi si une vache peut raisonner en termes de trompe-couillon à propos du chien ? Je ne suis qu’en CM1 et en plus ce matin je ne suis pas content du tout de garder le troupeau.

J’avais d’autres projets pour cet été, peut-être le pluriel est-il de trop ? En tous cas j’en avais UN c’est sûr et un solide, mais hélas ! il a été étouffé dans l’œuf. Il y a à peine trois semaines, Monsieur André Riboulier notre instituteur que nous appelons tout simplement « Monsieur », nous a informés des possibilités d’inscription en colonie de vacances.

« Bon ! nous dit-il, les enfants écoutez bien : les vacances approchent… (tu parles qu’on écoute… Ce mot « vacances » déclenche instantanément un phénomène inexpliqué qui permet de voir défiler : problèmes, dictées, et autres tracasseries, partir en file indienne pour aller s’enfermer à double tour dans le placard en attendant octobre(*), ce n’est qu’un répit bien sûr, mais c’est toujours ça de gagné et trois mois c’est énorme), donc les vacances approchent disait-il, et vous avez le choix entre un séjour à la montagne, au Col du Tourmalet, ou un séjour à la mer à Valras-Plage. Je vous remets un formulaire que vous devez faire compléter par vos parents et le rapporter le plus tôt possible ».

J’avais parcouru les trois kilomètres, de trajet vers la ferme, en sautillant tantôt d’un pied tantôt de l’autre tout en rêvant au meilleur choix. J’aime bien la montagne pensais-je, mais je n’ai encore pas vu la mer et je suis bien tenté par la plage et les vagues, bien que – comme tout le monde – je ne sache pas nager.

  • Ne t’en fais pas tu n’en auras pas besoin ! me criait mon frère Alain plus âgé de deux ans.
  • Pourquoi donc ?
  • Tu ne penses pas que les parents vont signer ce papier.
  • Ah bon ? Et pourquoi pas ?
  • Tu verras Ils t’auront sans doute préparé un autre programme.

Je le trouvais bien pessimiste, et je n’imaginais pas comment les parents pourraient refuser de compléter le formulaire puisque c’était un formulaire donné par l’instituteur et que l’instituteur, c’était un peu comme le Pape… Il ne pouvait pas se tromper.
Alors un formulaire donné aux enfants par Môssieu Riboulier, DEVAIT être rempli par les parents et rapporté à l’école. Un point c’est tout !
Je continuais donc en sautillant d’un pied sur l’autre… « Je pense que je vais choisir la mer… Et toi ? »

  • Moi rien pour le moment.

C’est au repas du soir que l’appétit fut coupé !

  • Alors ? comment se passent ces derniers jours d’école ?
  • Très bien et à propos, j’ai un formulaire à vous faire remplir.
  • A quel sujet ? s’enquièrent les parents
  • Au sujet de la colonie de vacances, il faut choisir la mer ou la montagne, j’ai choisi le mer, il faut renseigner la fiche et la signer.
  • Nous avons une autre idée pour les vacances, ce sera principalement la garde du troupeau de vaches !

Boum ! La sentence était brutale et j’étais « séché » !

(http://www.midilibre.fr/2012/08/18/autrefois-vacances-scolaires-rimaient-avec-travaux-des-champs,549769.php )

(*) Autrefois, vacances scolaires rimaient avec travaux des champs

Midi Libre

18/08/2012, 06 h 00

Les grandes vacances dont nos écoliers jouissent actuellement - pour peu de temps encore - sont entrées dans les mœurs seulement depuis le XIXe siècle. La période choisie ne l'a pas été par hasard ou pour faciliter la fréquentation touristique des plages, fréquentation d'ailleurs inexistante à l'époque.
En fait, dans une France fortement rurale à ce moment-là, on a besoin de bras pour aider aux travaux des champs (les moissons notamment). Les écoliers sont une main-d'œuvre toute trouvée. Les vacances ne sont pas pour eux une période de repos ou d'amusement car ils doivent travailler et ces travaux sont souvent pénibles.
D'autant qu'ils y participent souvent très jeunes. À Beaucaire, certains mas de la plaine emploient des enfants à partir de 7 ou 8 ans. Personne ne trouve à redire à cet état de chose considéré comme normal.
On a, au début du XXe siècle, des exemples d'enfants de 12 ans astreints aux labours alors qu'ils arrivent à peine aux mancherons de la charrue ! Ce ne sont pas ces pauvres apprentis laboureurs qui tracent le sillon mais les chevaux, qui eux savent parfaitement ce qu'ils doivent faire.
Les autres périodes de vacances de l'année sont également calculées en fonction des besoins de la campagne (vendanges et autres) et les instituteurs se plaignent souvent des absences des élèves motivées par les nécessités agricoles. La mécanisation et les lois sur le travail des enfants mettront fin à ces pratiques. Les écoliers du XXIe siècle ne savent pas, sans doute, la chance qu'ils ont de n'avoir pas connu l'époque où les vacances scolaires étaient synonymes de travail.

Tag(s) : #Lettre d'été
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